Par Jean Messinesi, Partner Zalis

 

Il serait sans doute sot de ne pas reconnaitre que le bilan de CHOOSE FRANCE 2024 est un succès, peut-être pas aussi remarquable qu’on veut parfois le dire, mais un succès tout de même.

Ainsi, pour le cru 2024, le montant des investissements promis par des entreprises étrangères serait d’environ 15 milliards de dollars pour 56 projets qui devraient permettre la création de près de 10.000 emplois.

 

Les principaux investissements concernent :

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Sans que cela soit dit clairement, l’initiative du Chef de l’Etat qui a débuté en 2018, a pour objectif de susciter une contribution croissante d’entreprises internationales à la politique de réindustrialisation du gouvernement. Il s’agit de faire connaitre aux dirigeants des plus grandes entreprises mondiales les changements, en particulier en matière fiscale et du droit du travail, que les gouvernements s’efforcent d’introduire depuis 2017 pour renforcer l’attractivité de la France.

Certains veulent voir dans les résultats de CHOOSE FRANCE des deux dernières années des succès en trompe-l’œil sous le prétexte que tous les montants promis ne seront sans doute pas investis, qu’ils s’étaleront sur plusieurs années ou que les créations d’emplois attendues demeurent modestes face aux licenciements qu’entrainent les liquidations d’entreprises à forte intensité de main d’œuvre. Cela est sans doute vrai mais il ne s’agit pas d’attendre des investissements étrangers qui représentent moins de 5 % de la formation brute de capital fixe en France en 2019, qu’ils se substituent à l’effort national. Mais il n’est pas indifférent que dans des secteurs aussi pointus que l’informatique quantique, l’intelligence artificielle ou la santé, des entreprises internationales leaders sur leur marché, choisissent d’investir en France. Cela contribuera à la création d’emplois, certes dans une mesure modeste, mais cela devrait également stimuler les entreprises françaises concurrentes et les potentiels sous-traitants.

Mais clairement cela ne résoudra pas le problème de la stratégie économique française qui s’est fourvoyée depuis près d’un demi-siècle dans une impasse dont il devient essentiel qu’elle sorte rapidement, avant qu’il ne soit trop tard.

Dans une étude publiée récemment par Le Figaro[2], Jérôme Fourquet dresse un tableau pessimiste de la situation de l’économie française. Cette situation qu’il juge catastrophique se caractérise en premier lieu par la désindustrialisation du pays, par l’augmentation vertigineuse de la dette publique et du déficit extérieur courant.

C’est également cette politique poursuivie depuis plus de 40 ans par tous les gouvernements que dénoncent trois anciens directeurs du ministère des Finances dans un article intitulé Sortir de l’endettement[3] paru dans la revue Commentaire.

Il serait dangereux d’interpréter les succès de CHOOSE FRANCE 2023 et 2024 comme le signe d’une amélioration significative de l’attractivité de la France, car beaucoup reste à faire.

Jérôme Fourquet dénonce « un pays qui ne produit plus mais qui consomme et réglemente », tandis que les anciens directeurs du ministère des Finances appellent à une refonte du modèle français pour placer la réindustrialisation au premier rang des priorités afin d’assurer un niveau de croissance satisfaisant, c’est-à-dire un minimum de 1,35% annuel. (Chiffre retenu par le gouvernement pour son calcul à 3 ans de l’arrêt de l’augmentation de la dette).

Or, en dépit des incantations gouvernementales, la réindustrialisation n’a guère progressé depuis 2017 et la croissance stagne. Comme l’indique le déficit de la balance courante, nous consommons beaucoup plus que nous ne produisons. Il nous faut donc investir pour créer les conditions d’une croissance soutenue de la production.

La majorité des commentateurs s’accordent sur la nécessité de conduire des réformes vigoureuses pour réellement relancer la création d’entreprises industrielles, l’investissement et l’emploi. Ainsi, il faut que soient poursuivis et intensifiés les efforts de simplification des normes, du droit du travail ; il faut alléger la fiscalité qui pèse sur l’emploi (type CICE), repenser la formation professionnelle et les encouragements à la recherche (via notamment le mécanisme de crédit d’impôt recherche (CIR).

S’il est essentiel d’encourager la création d’entreprise, il faut aussi mieux accompagner les entreprises en difficulté. Avec une moyenne de près de 60.000 défaillances d’entreprises par an, soit trois fois plus qu’en Allemagne, la France ne sait pas suffisamment entourer les entreprises fragiles bien que souvent porteuses de véritables projets.

CHOOSE FRANCE s’adresse aux chefs d’entreprises étrangers pour les convaincre d’investir en France ; il faut aussi donner aux chefs d’entreprises français les cadres règlementaires, financiers et de formation professionnelle qui leur permettront d’investir en France plutôt que de choisir de placer leur épargne à l’étranger ou de continuer à consommer les produits importés.

 

[1] Elysee. ChooseFrance. 13 mai 2024

[2] Jérôme Fourquet : L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire

Le Figaro, 15 mai 2024

[3] Isabelle Bouillot, Daniel Bouton & Patrick Careil, sortir de l’endettement, Commentaire, automne 2023