Auteur : Daniel COHEN, Les fiches outils du dirigeant d’entreprise, Eyrolles, 2017
Souvent les dirigeants se demandent à quoi servent les contre-pouvoirs. Quand ils l’ont compris, ils cherchent la façon et les manières de les mettre en place. Et c’est un sacré challenge ! Cette fiche, j’ai décidé de l’écrire à la première personne, car ce point-là est pour moi l’histoire d’une vie. Un challenge que je ne sais même pas résoudre moi-même.
SANS CONTRE-POUVOIRS, POINT DE SALUT :
Cela fait quinze ans que je consacre la moitié de mon temps à faire du sauvetage d’entreprises, à côtoyer des patrons d’entreprise en difficulté ou à diriger moi-même des entreprises en difficulté. Je suis toujours étonné par le fait que celles-ci sont la plupart du temps en difficulté pour des raisons exogènes (retournement conjoncturel par exemple) mais davantage encore pour des problèmes de direction d’entreprises. Parce que, face au même problème conjoncturel, des dirigeants réagiront différemment, certaines entreprises disparaîtront. Souvent les contre-pouvoirs en place fonctionnent et contribuent à sauver l’entreprise.
En effet, en phase de crise, le déni est tellement fort qu’un chef d’entreprise ne sait pas y échapper. Mes équipes et moi le savons. Au bout de quelques mois à la tête d’une entreprise, je ne sais plus arbitrer sans des alertes. Et malgré tout mon savoir-faire à ce niveau-là, je sais que seuls les contre-feux et les contre-pouvoirs me permettront de m’en sortir. Alors j’interviens toujours en équipe. J’ai toujours une partie de l’équipe à l’extérieur de la mission. Nous avons toujours des points réguliers, voire quotidiens. Et nous avons des processus qui permettent d’éviter l’isolement du dirigeant. Sans quoi une mauvaise décision est très vite prise.
Que voit-on régulièrement ? Des instances aux ordres. Tous nous connaissons le mode de fonctionnement habituel. Telle entreprise cotée où il existe un directoire avec des membres souvent choisis par le président du directoire et validés dans la chambre d’enregistrement qu’est le conseil de surveillance. Tel bloc majoritaire va choisir les membres du conseil de surveillance, les uns appelant les autres et se retrouvant régulièrement dans des conseils d’administration d’autres sociétés. Ainsi on arrive vite à un système de l’entre soi où les alertes ne fonctionnent plus. Les organes de gouvernance ne devenant que des chambres d’enregistrement au profit de certains.
COMMENT SE SORTIR DE CET ETAT DE DROIT ?
En nommant des personnes qui ne votent pas toujours dans la même direction que le dirigeant. Qui savent lui dire « non ». Qui savent l’alerter. Sans pour autant bloquer le fonctionnement de l’entreprise. Tout cela passe par des acteurs indépendants avec des règles du jeu claires et précises. Par exemple cet organe a-t-il accès à tous et peut-il interroger tout le monde sans interférer avec le dirigeant ?
Alors comment trouver des personnes à l’éthique irréprochable ? En commandant une enquête comme pour une embauche avec un background check à l’anglo-saxonne. En ne faisant pas confiance au bouche-à-oreille où seuls les retours d’ascenseur fonctionnent.
En résumé : la mise en place de contre-pouvoirs efficaces ne souffre d’aucun délai ; un bon contre-pouvoir, c’est une décision qui peut parfois être prise contre l’avis initial du dirigeant ; c’est aussi l’existence d’un organe de contrôle suffisamment informé pour agir et veiller.