Par Robert Lambert, Directeur Zalis Auvergne-Rhône-Alpes
Un contexte nouveau
La période COVID a profondément modifié l’environnement et les comportements, ce dans un climat d’incertitude totale. C’est une crise de rupture affectant de très nombreuses dimensions de notre univers : le lien social, les relations de travail, la vision économique, la relation à l’environnement, les modes de consommation.
Le contexte actuel, par le nombre des éléments qu’elle affecte, ne ressemble à aucune autre crise, 1929, bulle internet, 2008… mais on peut trouver des éléments de similitude avec d’autres périodes de rupture, en particulier la fin de la première guerre mondiale.
Ainsi, la première guerre mondiale a permis des progrès chirurgicaux et médicaux extraordinaires,
la crise COVID voit la mise en place de processus innovateurs court-circuitant les protocoles usuels mettant en place traitements et vaccins dans des temps records ;
la première guerre mondiale a vu la mise en place de chaînes logistiques innovantes, munitions et nourriture,
La crise COVID a accéléré la mise en place de nouvelles logistiques : généralisation du drive, livraisons à domicile, gestion d’approvisionnement en période de confinement,
la première guerre mondiale avait modifié l’environnement de travail, avec une large mobilisation des ressources féminines,
la crise COVID a également effectué de profonds changements : télétravail, management à distance,
la première guerre mondiale a consacré la prépondérance du mécanique dans la guerre,
la crise COVID a précipité le numérique…
Dans tous ces cas, et pour les deux périodes, on notera que les éléments techniques étaient largement préexistants, mais que c’est la notion d’urgence, voire de panique qui leur a permis d’être appliqués à grande échelle. Enfin, dans les deux cas, l’économie, comme le boxeur à la sortie d’un knock out, se relève dans un univers flou, avec des paramètres instables et mal maîtrisés.
La première guerre a apporté années folles et crise de 29, nul ne sait ce que nous réserve la crise COVID.
Les dirigeants et leur appréciation des nouveaux paramètres de l’entreprise
Dans ce contexte, après avoir piloté la période de survie pendant la crise et assuré le redémarrage, les dirigeants devront redéfinir le pilotage de leurs entreprises. Le risque principal, surtout si une reprise se matérialise, sera la tentation du « business as usual ». En effet, l’environnement a changé, mais les attentes et les concurrents également, et celui qui n’anticipera pas n’identifiera pas les changements et entrera dans une zone à hauts risques. Le facteur commun à l’environnement externe et à la vie de l’entreprise sera largement lié à l’humain, aux traumatismes et opportunités vécus par toutes et tous, et par conséquent à leurs nouvelles attentes.
Sous la contrainte, la technologie a montré que des changements étaient possibles.
Par exemple, au niveau médical, la crise et la peur du virus, permettent de bousculer les règles établies. Normes et règlementations imposent des processus particulièrement sécurisés, longs et coûteux, pour développer une nouvelle molécule (5, 7, 10 ans de durée et plus parfois, des dizaines ou des centaines de millions investis), et soudain l’industrie s’engage sur des délais beaucoup plus courts pour élaborer vaccins, remèdes, tests… L’urgence autorisant à s’affranchir des cadres établis. Pourra-t-on revenir en arrière, quand la démonstration aura été faite qu’il est possible d’aboutir beaucoup plus vite, et à moindre coût ?
Même si elle est moins visible, une révolution identique se profile pour les emplois postés : production, logistique, et autres non accessibles au télétravail. Ces postes, durant la crise, ont acquis des lettres de noblesse, en raison d’une prise de risques réelle. De plus, ils auront également fonctionné différemment : encadrement réduit, effectifs réduits, procédures innovatrices et contraintes sanitaires… Là encore, il sera difficile de revenir au statu quo ante. Il faudra reconnaître les hommes et leurs performances, prendre en compte les attentes et réinventer, au vu de ces expériences, les processus de production et de logistique, et plus important, revoir les systèmes d’encadrement, de pilotage des effectifs.
Un chef d’entreprise qui aura demandé à ses cols blancs de télé-travailler, pourra-t-il revenir à l’ancien système sans difficultés ?
La démonstration aura été faite que de nouvelles pratiques sont possibles, et si le télétravail en période de confinement peut être une contrainte, en période normale, il peut être un avantage pour tous. Le télé-travailleur fait une économie considérable de temps sur les transports, avec moins de fatigue et de stress. L’employeur devra gérer la distance, mais économisera de l’espace… Certes, il faudra conserver l’ADN des entreprises, trouver de nouveaux équilibres, mais là encore, la clé du succès sera la perception de l’humain, gérer les attentes des collaborateurs, en harmonie avec les besoins des clients et de l’entreprise.
La révolution numérique aura bousculé des tabous, montré des possibles, et il faudra construire autour de ces nouveaux paramètres.
La réponse pourra d’ailleurs être différenciée en fonction des géographies, ou d’autres éléments, il est par exemple parfaitement imaginable que des employés soient plus sensibles à une composante télétravail dans une grande agglomération qu’en zone rurale. Le tout devra également être revu par rapport aux différentes législations, droit du travail certes, mais également l’ensemble des règlementations pouvant impacter les différents processus.
Les mêmes questions se poseront bien évidemment pour gérer les flux amonts et avals de l’entreprise. Faudra-t-il privilégier des approvisionnements locaux, éventuellement plus verts et un peu plus coûteux ou revenir au just-in-time low cost international ? La réponse ne sera pas unique, et le dirigeant, avant de choisir, devra parfaitement intégrer les changements qui sous-tendent la demande de ses clients, et les virages politiques qui se dessinent avec toutes les incertitudes que cela implique…
Les dirigeants et leur accompagnement
Les dirigeants qui auront traversé cette tempête devront réinventer leurs entreprises, en intégrant la gestion de ces nouveaux paramètres, très différents de ceux qu’ils ont l’habitude de gérer. C’est là qu’un accompagnement externe temporaire peut s’avérer des plus profitables.
Un accompagnement externe présente trois avantages, le premier est de dépasser les paradigmes de l’entreprise, le deuxième est qu’il permet à l’équipe dirigeante de rester concentrée sur les paramètres économiques vitaux à court terme, le troisième est qu’il permet d’appréhender des facteurs nouveaux, qui ne font pas partie des habitudes de l’entreprise. L’accompagnement, pour être efficace, devra être pluridisciplinaire, avec au minimum une dimension sectorielle, une dimension sociale et humaine et une dimension technique et digitale.
Avec ce dispositif, le dirigeant tenant fermement la barre dans la période de crise et de redémarrage pourra également se concentrer sur son projet et sa stratégie à long terme, et intégrer dans ses opérations tous les éléments pertinents issus de la crise. Ceci lui permettra d’être plus performant, en s’ajustant chaque fois et au cas par cas de contourner l’obstacle ou d’innover.