Par l’Equipe Zalis

 

 

Vers une décennie d’hypercroissance ?

 

 

Les années 2020 et 2021 auront été, à bien des égards, exceptionnelles, en particulier en matière économique. Suite à un arrêt généralisé de l’économie mondiale au printemps 2020, la reprise a été plus rapide et plus forte qu’attendue, partout dans le monde, et de nombreux signaux (croissance, nombre de défaillances, etc) restent au vert. Alors que 2022 débute par une nouvelle vague épidémique, qui pourrait bien être la dernière à désorganiser nos sociétés, l’économie mondiale est à un point de basculement.

 

Plus encore qu’en 2009, où certains passagers clandestins avaient tenté de profiter des plans de relance des pays voisins, la crise du covid-19 a vu un soutien unanime, massif et involontairement coordonné des Etats des pays développés comme émergents. Plus de 16 000 milliards de dollars ont ainsi été distribués sous forme d’aides budgétaires entre mars 2020 et juillet 2021 (plus de 10 fois les dépenses annuelles de la France !), sans compter les injections de liquidités par les banques centrales, plus importantes en une année que sur les dix précédentes combinées d’après le FMI.

Les résultats à court-terme sont partout semblables : des faillites à un niveau historiquement bas, un rattrapage économique spectaculaire et une atténuation considérable des dommages sociaux et économiques immédiats que la crise aurait pu entraîner.

Alors que refluent désormais les aides gouvernementales partout dans le monde, reste à savoir si les plans de relance massifs auront surtout contribué à combler les pertes à court-terme ou à innover et soutenir la croissance de long-terme.

Il y a fort à parier que les secteurs technologique, pharmaceutique, industriel (semi-conducteurs, électrification, etc.) et des telecoms, grands gagnants de la crise sanitaire, auront fait un bond en avant en matière de développement, grâce à des revenus et des plans d’investissement records. Un exemple parmi d’autres : le géant taïwanais TSMC prévoit d’investir 100 milliards de dollars sur trois ans pour renforcer ses technologies de semi-conducteurs.

A contrario, les secteurs des loisirs et de l’hospitalité, du retail et de l’immobilier ont été fortement affectés par les mesures sanitaires telles que la mise en œuvre des jauges ou du confinement et par les conséquences sociales de la crise (généralisation du télétravail, réorientation professionnelle). Ces secteurs subissent d’ailleurs des tensions croissantes, une baisse de rentabilité, une pénurie de main d’œuvre ou encore des difficultés d’approvisionnement soulignés par l’étude Weil Gotschal & Manges.

Si les faillites restent à un niveau historiquement bas dans les pays développés, la reprise des défaillances, en particulier des petites entreprises, est déjà observée dans des pays en développement comme le Maroc. En France, environ 30-35 000 défaillances ont été enregistrées en 2020 et en 2021, contre plus de 50 000 en 2019. Si nous n’allons certainement pas connaître la vague tant attendue, un retour durable des faillites paraît inévitable, notamment sous l’effet du remboursement à venir des dettes covid et de la restriction de l’accès à la liquidité.

 

Au-delà des défaillances, plusieurs sujets mériteront une attention particulière en 2022. Citons notamment :

 

  • Les niveaux d’endettement publics et privés, qui atteignent des sommets, après deux années marquées de soutien public, notamment sous forme de prêts, aux entreprises. De nombreux Etats développés ont affichés des taux de déficit records en 2020 et 2021 – jusqu’à 15% aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, 8% en France, etc. Le bilan de la BCE a plus que doublé depuis 2020, tout comme celui de la Fed qui atteint désormais près de 45% du PIB américain !

 

Le secteur privé n’est pas en reste : en France, son endettement représente désormais 155% du PIB, contre 134% avant la crise selon la Banque de France. Cela pose la question de la capacité résiduelle de soutien à l’économie si une nouvelle crise venait à surgir.

 

  • L’inflation, notamment sur l’énergie et les matières premières, qui réduit les marges des entreprises et menace le pouvoir d’achat des ménages. Symptôme de la forte reprise mondiale, les banques centrales demeurent confiantes quant à la capacité de contenir la hausse des prix, qui a frôlé les 7% en rythme annualisé fin 2021 aux Etats-Unis, à moyen-terme.

 

  • Les problèmes d’approvisionnement, qui persistent en raison de la désorganisation des flux maritimes de marchandise, de la dépendance des pays développés à des fournisseurs asiatiques en situation de sous-production (fermetures d’usine pour raisons sanitaires ou d’approvisionnement énergétique).

 

  • Le marché de l’immobilier, en particulier l’immobilier commercial, durablement affecté par les changements durables de mode de vie (généralisation du télétravail, accélération du commerce en ligne). De nombreuses (grandes) entreprises se posent aujourd’hui la question de la réduction des surfaces de bureaux.

 

  • Les tensions sociales, qui pourraient être avivées par la baisse du pouvoir d’achat (inflation, notamment des prix de l’énergie) ainsi que par l’accroissement des inégalités durant la crise sanitaire.

 

 

Il existe de nombreuses raisons d’être optimiste pour l’année qui s’ouvre, après deux années exceptionnelles où la réponse massive et unanime des Etats s’est révélée indispensable pour contenir les conséquences d’une crise sans précédent. A l’aube de 2022, face aux risques croissants, c’est l’efficacité des plans de relance, la résilience du corps social et la capacité à assurer une transition sans heurt vers un « nouveau normal » (normalisation du niveau de dépenses publiques mais adaptation aux évolutions sociétales nées de la crise sanitaire) qui détermineront le chemin que prendra l’économie mondiale pour les prochaines années…